J'avais tendance à croire que la vie n'est pas belle. Erreur. La vie est belle, le monde est pourri.
Pourquoi toujours accuser la nature, omettant parfois que je suis moi-même la source de tous mes tourments, et peut-être d'un autre, que sais-je, toutefois le flux de son éventuel excitation ne s'est glissé vers moi que sous la forme la plus ténue qui soit, à tel point que je n'en ai ressenti les effets outre mesure. J'ai beau dire qu'un jour, je me remettrai en cause, qu'en est-il finalement aujourd'hui ? Toujours, la différence entre mes paroles et mes actes se fait ressentir, c'est encore heureux qu'il n'y ait que moi qui puisse distinguer l'écart infiniment plus grand entre mes convictions et mes actes. La seule chose sur laquelle je puisse compter, c'est la sourde détermination à ne pas flancher des genoux pour giser sur ce sol ingrat que je n'ai jamais aimé.
La liberté ? Où ça ? Je ne parle pas bien sûr de liberté de mouvements, de pensées, d'expression même - cela dit je reconnais sans broncher qu'extérioriser mes émotions n'est pas dans mes cordes, d'autant plus que mes humeurs semblent lier à mon canal lacrymal. Mais je parle d'une liberté intérieure, d'une paix de l'âme dont je n'ai pas le sentiment d'avoir ouvert les portes. C'est comme une prison invisible que je me serai créée, une cellule dont je serai la seule occupante et également la seule en détention de la clef. Mais j'ai perdu la clef en cours de chemin, ou alors je ne l'ai jamais eu en ma possession, mais j'avoue que je ne suis même pas assez motivée pour lancer des fouilles, je suis bien trop paresseuse pour ça. Même malheureuse, je pourrai demeurer dans mon douillet sentiment de mal-être, en tirant même un certain plaisir à ruminer des pensées noires, attendant patiemment, un petit air suffisant accroché aux lèvres, les yeux brillant de larmes que je ne verserai pas, que quelqu'un remarque cette overdose d'amertume, ce concentré acide de désespoir, sinon de grande lassitude, comme une antithèse à la gente normale et insouciante. Rien ne peut m'apaiser alors, me murer dans le silence devient un jeu d'enfant, et pourtant, au fond de moi, le rejet d'une telle existence est clair, net et concis : je méprise ceux qui se morfondent dans le passé en se raccrochant à de vieux souvenirs déchirés, leur salut, sans aller de l'avant, sans promener sur le futur un regard luisant, regardant toujours par-dessus leur épaule, rongé par les remords et les regrets. Donc, je me méprise. J'en viens parfois à me demander comment une telle chose est possible.
Je suis ma clef, je suis mon seul libérateur, celle qui peut briser les fers à mes chevilles et les chaînes à mes poignets. J'en ai parfaitement conscience, tout cela n'est en rien du ressort de la nature, où tous les éléments se développent en harmonie, influençant nos humeurs. Et j'en suis encore à me chercher, à essayer de voir en quoi je pourrai bien avoir de la personnalité, si j'ai dans mon entourage réellement quelqu'un sur qui compter, à qui me confier, si je finirai par trouver ma voie. A ces questions, je n'ai pas de réponse, seule la vie me donnera quelques indices, à moi d'interpréter les signes qu'elle voudra bien m'envoyer. J'ai peur, vraiment, je doute de moi, de mes paroles, de ceux que j'appelle "amis", tout. Est-ce que mon cas est isolé, je n'en sais rien. Probablement que non.
Qu'importe les raisons, je n'aurai pas dû abandonner ce qui me liait encore à ce monde. Aussi pourri soit-il.
Amélie.
Partage